"Cusco, une ville indienne" peut-on encore lire dans certains guides et dans les brochures de tour opérateurs peu rigoureux dans l'information culturelle qu'ils donnent, rien n'est plus faux et les "indiens" ne sont qu'une très faible minorité à vivre dans cette ville extrêmement métissée et aux apports culturels très variés.
De la même manière Hergé montre dans sa célèbre BD "Tintin et le Temple du Soleil" les rues de Lima, la capitale, parcourues de lamas et de passants vêtus de ponchos et coiffé d'un ch'ullo, le célèbre "bonnet péruvien". Pourtant bien documenté, il ne se doutait pas que Lima était une ville majoritairement peuplée à l'époque où il dessinait, de blancs "criollos" (les descendants de familles espagnoles, et leurs descendants, nés sur le sol américain), de noirs et de métis. Il faut rappeler qu'au XVII ème siècle les descendants des esclaves noirs provenant du Golfe de Guinée et des còtes de l'actuel Sénégal représentent les 3/4 de la population de la ville et jouissent d'un statut supérieur à celui de l'indien.
L'expression même de "conquête espagnole" tendrait à nous faire croire que seuls des européens blancs originaire de la péninsule ibérique seraient arrivés sur les terres américaines en suivant les traces de Christophe Colomb (qui était génois !). C'est oublier que 1492 correspond à l'expulsion des juifs d'Espagne et à la conquête de Grenade qui marque la fin d'une période de 8 siècles de présence arabe dans la péninsule ibérique. Les conquistadores sont donc suivis de nombreux arabes et juifs, convertis ou non, ainsi que par des aventuriers provenants des quatre coins de l'Europe. Par la suite viendront même de nombreux gitans, jusque de nos jours.
Hormis les espagnols chrétiens d'ascendance européenne, les juifs et les arabes forment la majorité des nouveaux arrivants, les européennes blanches répugnant à faire le voyage aux colonies au début de l'invasion, de véritables contingents de femmes "maures" (les "esclavas blancas") sont envoyées à Lima, donnant naissance à la célèbre "tapada limeña", que l'aquarelliste Pancho Fierro a représenté au début du XIX ème siècle.
Tous les nouveaux arrivants se métissent dans les Andes et sur la côte avec les peuples originaires, appelés indiens et à Lima et dans certains centres économiques importants de la côte avec la population africaine amené de force par les esclavagistes.
Jusque de nos jours l'indien a toujours le statut d'inférieur dans la société péruvienne et alors que l'on célèbre en permanence le génie des incas, leurs descendants se retrouvent encore aujourd'hui discriminés, méprisés et au plus bas de l'échelle sociale. Cependant certaines communautés comme les Q'ero, ont su maintenir leur culture et leur fierté au fil des siècles. Honnis par les métis, auxquels ils rappellent des origines considérés par nombre d'entre eux comme "infâme" et qui veulent se rapprocher le plus possible de la condition et du statu social de leur ancêtres blancs; méconnus et enfermés dans une image d'épinal d'indien sale et parresseux par les blancs des basses terres qui ont été jusqu'à appliquer des politiques de stérilisation forcée dans les années 90, les indiens des Andes ont du mal à trouver leur place dans une société dans laquelle ils sont minoritaires et dont les "valeurs" sont contraires aux leurs. Les indiens d'Amazonie quant à eux, exploités et massacrés copieusement par les barons du caoutchouc (lire "Le Rêve du Celte" de Mario Vargas Llosa, prix Nobel péruvien de littérature, ou voir le film "Fitzcarraldo" de Werner Herzog) sont encore aux prises avec les appétits des compagnies pétrolières, des mineurs illégaux, des forestiers, des barons du narcotrafic, qui détruisent leur territoire, l'Amazonie.
A partir de la fin du XIX ème siècle l'immigration se fait massive: des palestiniens et syriens, de très nombreux italiens mais aussi les austro-allemands qui ont défriché et colonisé les terres amazoniennes de Villa Rica et Pozuzo, des malgaches dans la région de Piura au nord, énormément de japonais, dont les enfants sont appelés "los nisei", et de chinois, puis jusqu'à aujourd'hui de nombreux européens en quête d'opportunités d'affaires et de commerce ou simplement d'une meilleure vie comme les jeunes espagnols qui, 500 ans après la conquête faites par leur lointains ancêtres, échappent à la crise européenne et émigrent vers l'Amérique latine pour y trouver un meilleur avenir, suivis par d'autres jeunes "gringos".
Depuis les années de guérilla du Sentier Lumineux (les 70 et 80) le phénomène qui a le plus radicalement changé la société péruvienne est l'émigration des campagnes vers les villes, provoquant un métissage sans pareil (70% de la société péruvienne est aujourd'hui métisse). La plupart des villes péruviennes ont vu ainsi leur démographie exploser et Lima en est le meilleur exemple. La capitale a vu affluer des masses de population en provenance de tout le pays et principalement des Andes et sa physionomie non seulement architecturale et urbaine, mais aussi politique, sociale, économique et culturelle en a été complètement bouleversée. les habitants des Andes ainsi émigré non seulement dans toutes les villes de la côte mais aussi dans les villes et villages de la forêt amazonienne, provoquant des conflits sociaux et environnementaux avec les premiers habitants de la grande forêt et avec l'Etat péruvien.
Le racisme n'est pas absent dans la société péruvienne et entre ses différentes composantes. Les ressentiments accumulés par une population qui était jusque dans les années 70 au service de la classe dominante blanche, catholique et d'origine européenne ont été transmis à nombre de leur descendants qui ont recueilli les témoignages de leur anciens sur la discrimination et le joug auquel il était soumis jusqu'à il y a à peine 40 ans, dans une société clairement féodale. Le sentiment de supériorité des classes dominantes s'exprime encore aujourd'hui dans des comportements discriminatoires, mais ceux-ci ont de plus en plus tendance à diminuer.
Le Pérou est donc une terre d'immigration et de métissage, où de nombreuses cultures se confrontent au quotidien et mélangent leurs influences, un creuset où se brasse une société future forcément multiculturelle, une société dont la caractéristique la plus stable est la mutation permanente, et où il faut apprendre et ré-apprendre sans cesse à manier de nombreux codes sociaux et langagiers pour s'y retrouver et y naviguer, une terre d'avenir ou s'invente l'humanité de demain.
De la même manière Hergé montre dans sa célèbre BD "Tintin et le Temple du Soleil" les rues de Lima, la capitale, parcourues de lamas et de passants vêtus de ponchos et coiffé d'un ch'ullo, le célèbre "bonnet péruvien". Pourtant bien documenté, il ne se doutait pas que Lima était une ville majoritairement peuplée à l'époque où il dessinait, de blancs "criollos" (les descendants de familles espagnoles, et leurs descendants, nés sur le sol américain), de noirs et de métis. Il faut rappeler qu'au XVII ème siècle les descendants des esclaves noirs provenant du Golfe de Guinée et des còtes de l'actuel Sénégal représentent les 3/4 de la population de la ville et jouissent d'un statut supérieur à celui de l'indien.
L'expression même de "conquête espagnole" tendrait à nous faire croire que seuls des européens blancs originaire de la péninsule ibérique seraient arrivés sur les terres américaines en suivant les traces de Christophe Colomb (qui était génois !). C'est oublier que 1492 correspond à l'expulsion des juifs d'Espagne et à la conquête de Grenade qui marque la fin d'une période de 8 siècles de présence arabe dans la péninsule ibérique. Les conquistadores sont donc suivis de nombreux arabes et juifs, convertis ou non, ainsi que par des aventuriers provenants des quatre coins de l'Europe. Par la suite viendront même de nombreux gitans, jusque de nos jours.
Hormis les espagnols chrétiens d'ascendance européenne, les juifs et les arabes forment la majorité des nouveaux arrivants, les européennes blanches répugnant à faire le voyage aux colonies au début de l'invasion, de véritables contingents de femmes "maures" (les "esclavas blancas") sont envoyées à Lima, donnant naissance à la célèbre "tapada limeña", que l'aquarelliste Pancho Fierro a représenté au début du XIX ème siècle.
Tous les nouveaux arrivants se métissent dans les Andes et sur la côte avec les peuples originaires, appelés indiens et à Lima et dans certains centres économiques importants de la côte avec la population africaine amené de force par les esclavagistes.
Jusque de nos jours l'indien a toujours le statut d'inférieur dans la société péruvienne et alors que l'on célèbre en permanence le génie des incas, leurs descendants se retrouvent encore aujourd'hui discriminés, méprisés et au plus bas de l'échelle sociale. Cependant certaines communautés comme les Q'ero, ont su maintenir leur culture et leur fierté au fil des siècles. Honnis par les métis, auxquels ils rappellent des origines considérés par nombre d'entre eux comme "infâme" et qui veulent se rapprocher le plus possible de la condition et du statu social de leur ancêtres blancs; méconnus et enfermés dans une image d'épinal d'indien sale et parresseux par les blancs des basses terres qui ont été jusqu'à appliquer des politiques de stérilisation forcée dans les années 90, les indiens des Andes ont du mal à trouver leur place dans une société dans laquelle ils sont minoritaires et dont les "valeurs" sont contraires aux leurs. Les indiens d'Amazonie quant à eux, exploités et massacrés copieusement par les barons du caoutchouc (lire "Le Rêve du Celte" de Mario Vargas Llosa, prix Nobel péruvien de littérature, ou voir le film "Fitzcarraldo" de Werner Herzog) sont encore aux prises avec les appétits des compagnies pétrolières, des mineurs illégaux, des forestiers, des barons du narcotrafic, qui détruisent leur territoire, l'Amazonie.
A partir de la fin du XIX ème siècle l'immigration se fait massive: des palestiniens et syriens, de très nombreux italiens mais aussi les austro-allemands qui ont défriché et colonisé les terres amazoniennes de Villa Rica et Pozuzo, des malgaches dans la région de Piura au nord, énormément de japonais, dont les enfants sont appelés "los nisei", et de chinois, puis jusqu'à aujourd'hui de nombreux européens en quête d'opportunités d'affaires et de commerce ou simplement d'une meilleure vie comme les jeunes espagnols qui, 500 ans après la conquête faites par leur lointains ancêtres, échappent à la crise européenne et émigrent vers l'Amérique latine pour y trouver un meilleur avenir, suivis par d'autres jeunes "gringos".
Depuis les années de guérilla du Sentier Lumineux (les 70 et 80) le phénomène qui a le plus radicalement changé la société péruvienne est l'émigration des campagnes vers les villes, provoquant un métissage sans pareil (70% de la société péruvienne est aujourd'hui métisse). La plupart des villes péruviennes ont vu ainsi leur démographie exploser et Lima en est le meilleur exemple. La capitale a vu affluer des masses de population en provenance de tout le pays et principalement des Andes et sa physionomie non seulement architecturale et urbaine, mais aussi politique, sociale, économique et culturelle en a été complètement bouleversée. les habitants des Andes ainsi émigré non seulement dans toutes les villes de la côte mais aussi dans les villes et villages de la forêt amazonienne, provoquant des conflits sociaux et environnementaux avec les premiers habitants de la grande forêt et avec l'Etat péruvien.
Le racisme n'est pas absent dans la société péruvienne et entre ses différentes composantes. Les ressentiments accumulés par une population qui était jusque dans les années 70 au service de la classe dominante blanche, catholique et d'origine européenne ont été transmis à nombre de leur descendants qui ont recueilli les témoignages de leur anciens sur la discrimination et le joug auquel il était soumis jusqu'à il y a à peine 40 ans, dans une société clairement féodale. Le sentiment de supériorité des classes dominantes s'exprime encore aujourd'hui dans des comportements discriminatoires, mais ceux-ci ont de plus en plus tendance à diminuer.
Le Pérou est donc une terre d'immigration et de métissage, où de nombreuses cultures se confrontent au quotidien et mélangent leurs influences, un creuset où se brasse une société future forcément multiculturelle, une société dont la caractéristique la plus stable est la mutation permanente, et où il faut apprendre et ré-apprendre sans cesse à manier de nombreux codes sociaux et langagiers pour s'y retrouver et y naviguer, une terre d'avenir ou s'invente l'humanité de demain.